Dossier très intéressant (que je remonte sans doute, vous me pardonnerez si je déterre quelque chose qu'il ne fallait pas).
Ce qui m'intéresse avant tout dans ma réponse est d'offrir une première lecture aux questions posées par Amras Anárion.
D'abord, Nintendo ne se permettrait pas d'avoir des écarts dans des documents juridiques, je te rassure que la version française est totalement correcte.
Je me tiens surtout à une lecture du droit français.
Le Code de la propriété intellectuelle définit l'oeuvre composite ou dérivée comme étant "l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière." (L. 131-2 CPI) Ainsi, la modification, l'ajout, l'utilisation d'un extrait d'une oeuvre requiert de respecter les droits de son auteur. Les exceptions reconnues au droit d'auteur sont très difficilement applicables pour les cas qui nous concernent. Dès lors, l'auteur de l'oeuvre dérivée (plus loin auteur secondaire) doit conclure une licence afin de pouvoir créer sans porter atteinte aux droits de Nintendo.
• Au tout début, il est dit que distribuer du Fan-Art sous quelque canal que ce soit donne des droits à Nintendo sur notre travail. Implicitement, ça voudrait donc dire qu'on a le droit de partager. Mais tout à la fin (dernière phrase), j'ai cru comprendre (la phrase est très mal formulée, même en anglais) que c'est un rappel qu'on n'a pas reçu l'autorisation de distribuer notre fan-art au delà d'un cercle privé. Qu'en est-il ? Je pense que c'est un terme pour se dédouaner (aka : vous avez partagé du fan art en public, mais ceci ne constitue pas une autorisation de partager de notre part.)
Reconnaissant nécessairement l'existence de créations de fan, Nintendo permet par les dispositions que tu mets en exergue, de créer à la condition de respecter leur licence (plutôt que de poursuivre inutilement ou de laisser sans contrôle les créations dérivées).
Ici, Nintendo définit ici le champ matériel d'application de sa disposition : toute oeuvre dérivée communiquée au public (je pense qu'il s'agit de ce qui est visé par le terme "distribué") est soumise aux termes de cette licence. Premier élément logique : Nintendo ne se réserve pas un droit sur tes dessins personnels que tu effectues dans un cahier, car ces derniers n'ont jamais été communiqués et ne risquent pas de faire l'objet d'une exploitation tant par toi que par un tiers. Ici lorsque Nintendo dit que tu as " le droit de partager", c'est qu'il ne peut pas dire le contraire : s'il s'agit bien d'une oeuvre dérivée, tu peux la communiquer au public, mais selon les modalités fixées par Nintendo - car ses droits s'exercent également sur celle-ci.
En gros Nintendo dit que l'on peut créer des fan-arts dès lors qu'ils sont communiqués uniquement à des fins personnelles (impliquant aucune rémunération potentielle). Toutefois, dès lors que ton oeuvre dérivée utilise d'une quelconque manière une création originale de Nintendo, toi auteur secondaire, tu peux le faire mais à condition de donner une licence libre de droit à Nintendo sur cette création dérivée. Par le seul acte de ta création communiquée au public (distribution) tu concèdes l'ensemble de tes droits à Nintendo sur cette dernière (en exploitant une oeuvre originale de Nintendo tu leur concèdes la licence ici décrite ; à défaut, tu pourras être poursuivis pour contrefaçon).
Sur le droit moral, c'est assez intéressant également.
En fait, c'est comme si Nintendo considérait que l'auteur d'une oeuvre dérivée qui souhaite la publier, doit exploiter son "droit" conformément aux instructions d'exploitation de Nintendo : Nintendo te dicte la manière selon laquelle tu pourras exercer ton droit portant sur l'oeuvre dérivée. Ainsi, plutôt que de refuser toute création dérivée même non commerciale, Nintendo laisse une certaine marge de manoeuvre dès lors que cela ne fait pas l'objet d'une exploitation commerciale.
Tu indiques justement :
Uniquement sur ce que le fan a rajouté dans l’œuvre originelle. Bien entendu, l'auteur original garde les droits sur ce qu'il a lui-même créé ; mais à cause du travail dérivé fourni par le fan, l'auteur original peut se retrouver accusé de plagiat s'il réemploie la contribution du fan ou s'en inspire trop fortement en l'absence d'accord.
En soi, ce qui est stipulé par Nintendo est l'accord que tu lui concèdes sur ton oeuvre dérivée : cela t'empêche d'agir à son encontre car le seul fait d'utiliser son oeuvre lui concède l'ensemble des droits qui sont ici prévus.
C'est plutôt cette méthode utilisée par Nintendo qui est intéressante d'un point de vue juridique, tant au niveau du droit commun que du droit d'auteur.
- Par la simple "distribution" de ton oeuvre, une cession, à titre gratuit, automatique de tes droits s'opère au bénéfice de Nintendo, en application de cette licence.
Il est dit que partager dans un quelconque canal public du travail de fan dérivé de Pokémon revient à octroyer un droit total et inaliénable de notre création à la société Nintendo, sans contrepartie financière, y compris sur notre droit moral.
C'est le propre de la "licence libre de droit". Tu concèdes à Nintendo la possibilité d'exploiter ton oeuvre dérivée dans les termes de la licence libre que tu lui concèdes. Nintendo doit toutefois respecter les termes de la licence par laquelle tu lui permet d'utiliser ton oeuvre dérivée. Or, ici, comme c'est Nintendo qui définit cette licence il ne va pas borner les droits que tu lui cèdes ton oeuvre. En soi, tu lui cèdes gratuitement l'intégralité de tes droits patrimoniaux. Ce qui est totalement possible, bien que la cession doit classiquement faire l'objet d'une disposition plus claire en énumérant tous les droits cédés par l'auteur. Là encore, c'est un cas particulier tant par la nature de l'oeuvre que par la nature de la licence.
Pour ce qui relève du droit moral, Nintendo ne prévoit pas ici de cession de celui-ci. Il semble toutefois restreindre la possibilité d'agir sur ce fondement, ce qui pourrait en soi emporter la nullité de la clause. Encore faut-il que cette clause soit insérée dans un acte qui opère une "cession", et la question pourrait se poser quant à la qualification juridique de ce texte/licence... (en soi, s'il s'agit d'une clause de renonciation, elle doit être nulle et inopposable à l'auteur secondaire ; s'il ne s'agit pas d'une clause, il peut s'agir ici de l'exploitation de nintendo de son propre droit d'auteur pour limiter la diffusion d'une oeuvre créée à compter de la sienne...)
Tout comme Sugimori Ken ne peut pas dire qu'il a dessiné mon Séragon ou le Méga Ho-Oh d'Eysselia
Il s'agit d'un seul aspect du droit moral qui correspondrait ici au droit de paternité (droit au respect de son nom, droit d'apposer son nom à l'oeuvre, comme le contraire...). Là, surtout, ça va se jouer sur le terrain de la preuve : preuve d'antériorité de la création, pour te la "mettre à l'envers".
Or, il me semble que la loi du pays où on réside est toujours dominante sur les clauses qu'une société détentrice de droits édicterait
C'est ce que je décrivais notamment quant au prononcé de la nullité de la clause. Le contrat doit respecter la loi, et lorsque la loi est d'ordre public, les parties ne peuvent pas y déroger par une clause contraire. Ici, droit moral relève d'un ordre spécial de protection est la protection est d'ordre public, donc, empêche la stipulation d'une clause contraire. La sanction est en soi l'inopposabilité d'un telle clause (qui peut affecter l'ensemble du contrat pour certaines d'entre elles) - c'est notamment le mécanisme utilisé en droit de la consommation avec la sanction du "réputé non écrit" de certaines clauses (on continue d'exécuter le contrat en faisant comme si les clauses nulles n'étaient pas stipulées).
Sans en faire ici une étude empirique, je trouve que la question est extrêmement intéressante notamment sur ce que constitue ce texte juridique : manière de Nintendo d'exploiter son droit en imposant les "conditions d'utilisation" de celui-ci à une oeuvre dérivée qui serait couverte et limitée à ce seul usage déterminé. Pour ma part, c'est plutôt en ce sens que je qualifierais ce texte : un usage toléré mais encadré par Nintendo pour empêcher toute exploitation économique tirée de son oeuvre.
Voire, sans faire une "étude" tout court, le propos doit être extrêmement brouillon avec des phrases qui se répètent entre elles

Désolé pour le défaut de lisibilité ! Je reviendrais sans doute dessus, j'ai passé bien trop de temps à répondre et à réfléchir à la question... cela fait quelques années que je n'avais pas évoqué ce pan du droit de la propriété intellectuelle (d'autant plus que je ne suis pas dans la pratique).
Je dirais presque que l'usage a plus de poids que le droit.
Ça, on ne peut pas le nier ! Nintendo est souvent fortement critiqué pour toutes les actions en contrefaçons... Alors qu'au final... il ne fait qu'exercer ses droits... mais bon, c'est l'image de marque qui compte en tout et pour tout.